Séparation conseil / vente : précision du cadre réglementaire
Contexte réglementaire
Le décret relatif à la séparation des activités de vente et de conseil est paru au Journal officiel le 18 octobre 2020. Il fait suite à l’ordonnance du 24 avril 2019 relative à l’indépendance des activités de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques issue de la loi Egalim du 30 octobre 2018. Le texte a été soumis à la consultation du public du 27 juillet au 4 septembre 2020. Les dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2021.
Il définit la notion de conseiller à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques comme toute personne délivrant à titre professionnel un conseil stratégique ou un conseil spécifique, qui sont également précisés dans le texte (voir point 1). Cette activité est soumise à un agrément par le préfet de région comme c’était le cas jusqu’ici du conseil indépendant de toute activité de vente. Par contre, cet agrément n’est plus compatible avec celui pour la distribution (à des utilisateurs professionnels ou non).
Le décret modifie les dispositions à prendre lorsque l’organisme certificateur constate un écart critique par rapport aux exigences des référentiels concernés en prévoyant notamment un allongement du délai nécessaire à la remise en conformité de l’entreprise si les écarts concernent la séparation capitalistique et organisationnelle entre les activités de vente ou d’application et de conseil. Ce délai supplémentaire doit cependant être justifié et ne peut pas dépasser l’échéance du 31 décembre 2021.
Le décret, complété d’un arrêté publié le 20/10/2020, introduit les dispositions que doivent prendre les organismes certificateurs en cas de manquement dans la mise en oeuvre des moyens nécessaires pour répondre aux obligations des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP, voir point 2).
Les arrêtés relatifs aux référentiels pour les activités de distribution, d’application en prestation de services, de conseils stratégiques et spécifiques, qui déclinent l’ensemble de ces modifications, ont été publiés au JO du 20/10/2020.
Enfin, le décret prend les dispositions découlant directement de celles exposées précédemment. Ainsi, il sera désormais nécessaire de fournir la preuve de réalisation de deux conseils stratégiques pour obtenir son certiphyto, sauf dans les cas dérogatoires explicités plus bas, et les distributeurs de produits ne seront plus contraints de vérifier la bonne fourniture d’un conseil aux utilisateurs de produits lors de leurs achats.
Les activités de conseils
Le décret précise les deux types de conseils qui sont prévus :
Le conseil stratégique
Le conseil stratégique, établi en étroite collaboration avec les décideurs de l’entreprise, leur recommande des solutions compatibles avec le projet et les contraintes de celle-ci, afin de réduire l’utilisation et les impacts des produits phytopharmaceutiques.
Il est fondé sur un diagnostic qui analyse :
- les principales caractéristiques du système d’exploitation ou de l’entreprise, notamment les atouts et contraintes liées à l’activité économique exercée,
- les spécificités pédo-climatiques, sanitaires et environnementales des espaces concernés, notamment la présence de zones attenantes aux bâtiments habités, de zones d’accueil de groupes de personnes vulnérables, de points d’eau...,
- le bilan des mesures de protection intégrée déjà mises en place,
pour les exploitations agricoles, le bilan de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et des méthodes alternatives (évolution des quantités utilisées par type de produit, évolution des IFT, registre des traitements, conseils spécifiques reçus, outils d’aide à la décision...).
Le diagnostic est actualisé au moins tous les 6 ans. Il l’est impérativement en cas de changement majeur dans l’exploitation.
Le conseil stratégique prend la forme d’un plan d’action composé de recommandations visant à :
- réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques composés de substances actives présentant un des critères d’exclusion (substances dites candidates à la substitution),
- répondre aux situations d’impasse technique en matière de lutte contre les ennemis des cultures et d’anticiper sur les risques futurs de telles situations, en cas de dépendance aux produits phytopharmaceutiques pour des usages couverts par une seule substance active,
- limiter les risques d’apparition ou de développement de résistances des adventices et des bioagresseurs aux produits phytopharmaceutiques, notamment en cas d’utilisation de variétés rendues tolérantes aux herbicides.
Il mentionne les objectifs de réduction de l’utilisation et des impacts des produits phytopharmaceutiques et précise les conditions de sa mise en œuvre, notamment le calendrier, les moyens humains, le matériel, les équipements de protection, ainsi que les modalités de suivi. Il fournit des informations sur les coûts et incidences économiques de leur mise en œuvre. Il recommande la mise en œuvre des actions CEPP, des méthodes alternatives, des matériels ou méthodes d’application limitant la dérive. Il promeut les produits de biocontrôle, les substances à faible risque, les substances de base, et pour les produits autres phytopharmaceutiques ceux présentant le profil toxicologique le plus favorable à la santé humaine et à l’environnement.
Au moins deux conseils stratégiques doivent être délivrés par période de 5 ans à l’exception de quelques cas où un seul sera exigé sur 5 ans :
- les exploitations agricoles dont les surfaces affectées à l’arboriculture, la viticulture, l’horticulture ou aux cultures maraîchères, susceptibles d’être traitées, représentent au total moins de deux hectares ET si leurs surfaces portant d’autres cultures, susceptibles d’être traitées, représentent au total moins de dix hectares,
- pour les utilisateurs professionnels dont les terrains susceptibles d’être traités correspondent à l’emprise d’une infrastructure linéaire d’une longueur de moins de dix kilomètres,
- pour les autres utilisateurs professionnels dont les terrains susceptibles d’être traités ont une superficie de moins de dix hectares.
Le diagnostic et le conseil stratégique doivent être conservés par l’utilisateur et le conseiller pendant une durée de 6 ans.
La délivrance du conseil n’est pas requise :
- lorsque l’entreprise n’utilise que des produits de biocontrôle figurant sur la liste officielle (actualisée chaque mois), des produits composés uniquement de substances de base ou de substances à faible risque, et les produits nécessaires aux traitements prescrits par l’autorité administrative pour lutter contre les organismes réglementés,
- lorsque l’exploitation agricole est engagée, pour la totalité des surfaces de l’exploitation, dans une démarche ou une pratique ayant des incidences favorables sur la réduction de l’usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques. Celles-ci ont été définies par un arrêté du 16/10/2020 (JO du 20/10/2020). Il s’agit de l’agriculture biologique ou la conversion vers l’agriculture biologique, et la certification Haute Valeur Environnementale (niveau 3) dès lors que ces certifications portent sur l’ensemble des surfaces exploitées.
Le conseil spécifique
Le conseil spécifique est établi en tenant compte des éléments communiqués par le décideur de l’entreprise utilisatrice de produits phytopharmaceutiques sur sa stratégie de protection des cultures, des précédents culturaux et des traitements déjà effectués.
Il indique les méthodes alternatives à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques disponibles pour lutter contre la cible du traitement recommandé, en prévenir l’apparition ou les dégâts.
Il promeut les actions de réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (CEPP).
Il justifie le caractère approprié à la situation de l’entreprise, de toute recommandation d’usage de produits phytopharmaceutiques, sauf lorsqu’il s’agit de méthodes alternatives.
Il recommande en priorité les produits ou substances qui ont le moins d’impact sur la santé publique et l’environnement.
Le conseil spécifique doit être conservé par l’utilisateur et le conseiller pendant une durée de 3 ans.
Les moyens devant être mis en œuvre par les obligés du dispositif des CEPP
L’arrêté du 20/10/2020 définit les moyens que doivent mettre en œuvre les obligés du dispositif des CEPP ainsi que les suites que peuvent donner les organismes certificateurs en cas de manquements dans leurs mises en œuvre.
Les moyens, qui sont tous organisationnels sauf le dernier, sont les suivants :
- Identification d’un référent CEPP au sein de l’entreprise obligée chargé du déploiement des CEPP en son sein ;
- Réalisation d’un diagnostic CEPP qui, à partir de l’ensemble des actions standardisées définies dans le dispositif, estime le potentiel de certificats atteignable par l’entreprise agréée ;
- Réalisation d’un plan stratégique qui, à partir du diagnostic défini ci-dessus et des éléments de contexte relatifs à l’entreprise agréée (notamment freins identifiés en interne, en externe…), définit les lignes directrices prises par l’entreprise en terme de CEPP ;
- Formalisation d’un plan de formation et d’un système d’information permettant de justifier que le référent CEPP connaît le dispositif et la situation de l’entreprise en matière de CEPP ;
- Obtention de CEPP en cohérence avec le plan stratégique.
En cas de manquements dans la mise en œuvre de ces moyens, les organismes certificateurs prononceront une suspension de la certification. Les modalités de cette suspension sont les suivantes :
- Elle est prononcée un mois après la notification d’un écart portant sur l’absence de référent CEPP identifié et, dans ce cadre exclusivement, ne peut excéder 3 mois ;
- Elle est prononcée 6 mois après la notification d’un écart portant sur les autres moyens organisationnels et, dans chacun des cadres exclusivement, ne peut excéder 3 mois ;
- Elle peut se cumuler en cas de notification d’écarts portant sur plusieurs moyens organisationnels sans dépasser 6 mois au total ;
- Elle est prononcée immédiatement en cas de notification d’écarts portant sur les moyens matériels, pour une durée ne pouvant excéder 6 mois : atteinte de moins de 60 % de l’objectif de CEPP notifié et absence d’actions complémentaires pour promouvoir auprès de la clientèle les actions standardisées du dispositif ou pour l’enrichir.